RAP marocain: Quand la Jeunesse se rebelle
07.12.2006 | 15h26
Le rap a conquis les grandes villes du royaume. Utilisant la langue crue de la rue, les rappeurs revendiquent des messages de contestation politique et sociale pour un Maroc meilleur. Corruption, misère, chômage, tout y passe. H-Kayne, Bigg, Fnair ou Zanka Flow sont devenus les stars d’une jeunesse qui n’a surtout plus l’intention de taire ses problèmes. Plongée dans le monde de la «street music» marocaine.
Le rap, une nouvelle forme de contestation sociale et politique ? Tout porte à le croire. Tout d’abord, il y a les textes. Depuis Nass El Ghiwane, on n’a jamais assisté à des messages subversifs portés par une musique. Nos rappeurs qui, en majorité, n’ont pas plus de 25 ans, contestent une réalité sociale glauque et des politiques stériles. «Welli bghaw ychafro liya bladi Ntiri fdin mhoum» (ceux qui veulent voler mon pays, je flingue leur race), lance Bigg, le rappeur casablancais, issu du quartier «middle class» de Roches noires dans sa chanson «lkhouf». Ou encore «tanmiya bachariya, ness laâqa lik ou ness laâqa liya» (l’INDH, la moitié du magot pour toi et le reste pour moi). D’autres parleront de «misiriya» (la misère), de «drari makhedama maredama» (des jeunes sans boulot), de «blade lhegra» (le pays de l’humiliation), de «lferh fgloubna mameblassi» (pas de place de joie dans nos cœurs), «fhad lblad akhouya makaynche kif tenssa» (dans ce pays mon frère, pas moyen d’oublier)… Jamais depuis la bande à Batma, des chanteurs ne se sont prêtés à cet élan de protestation, porté par une jeunesse encore plus nombreuse et plus exigeante. Une jeunesse qui a accès aux nouvelles technolgies (Internet et logiciels piratés) et aux chaînes satellitaires. Les groupes de rap cartonnent. A la dernière édition du Boulevard, Bigg n’a rien eu à envier au très attendu groupe français «La caution» et a réussi même l’exploit d’éclipser leur prestation. Le public est tout simplement venu ce soir-là pour lui. La soirée hip hop du Festival de Casablanca est un franc succès. C’est que les rappeurs fonctionnent en dehors du système de production classique et profitent de la moindre opportunité. Ils mettent leurs chansons en ligne et des milliers de jeunes Marocains téléchargent leurs chansons qui deviennent du coup populaires. Leurs clips, leurs concerts et même des extraits d’interviews improvisées circulent gratuitement dans «Youtube» (le site de partage de vidéos en ligne). Ils parviennent dès lors à défier tout un système en usant de paroles loin d’être orthodoxes, des paroles qui dérangent. Des jeunes qui, à travers ces textes, aspirent avant tout à vivre dans un Maroc plus digne.